Des mots, des images, des échantillons de vie, un parfum d'existence.
Belle ballade sur une planète...
A l'ouest
L'instant solennel (dimanche 23 avril 2017)
L’instant est solennel. Le ciel est bleu.
Le temps s’est arrêté place des Vosges. L’agitation parisienne est lointaine. La vie suit son cours paisiblement, à l’abri du monde, protégée par les pierres bourgeoises. Les galeries de créateurs déclinent des notes d’esthétisme.
Assis dans l’herbe, je déguste les coïncidences. Tout semble parfait, chaque objet et chaque quelqu’un se déploient harmonieusement dans le décor. Même la femme blonde aux yeux bleus sortant de chez Lutens, l’air pincé, coincé, antipathique, probablement un peu extrémiste, participait à l’équilibre de la scène. Elle apportait une certaine nuance, une légère acidité au parfum ambiant.
L’instant est solennel. Le ciel est bleu.
Le coeur tranquille, j’observais un pigeon prendre son envol. Il semblait fier comme un albatros de décoller depuis la gouttière de la maison de Victor.
Je souris à la vue du caniche de la concierge. Il dépose, désinvolte deux mignonnes petites crottes bien humides et chaudes sur le trottoir. Je glisse un clin d’oeil complice à cette petite dame courbaturée, sortie d’un autre temps.
L’instant est solennel. Le ciel est bleu.
Un camion à ordures roule sa bosse sur le pavé.
Tout est en place. L’instant est solennel. Le ciel est bleu.
Quatorze heures trente et une minutes vingt-deux secondes et sept dixièmes, le pigeon lâche une petite fiente toute fraîche sur la veste bienséante de la femme aux cheveux d’or. Aussitôt, d’un regard haineux, elle déclare la guerre au pigeon. Mais c’était sans compter sur le dérapage incontrôlé provoqué par la crotte de chien. En un éclair, elle se retrouve sous les roues du camion. Lentement mais sûrement les roues l’écrasent.
L’instant est solennel. Le ciel est bleu.
Joyeux, je lance aux éboueurs « il n’y a plus qu’à la mettre dans la benne ».
« Elle ne mérite tout de même pas cela » me répondent-ils.
Il n’y a plus qu’à attendre les obsèques.
Dimanche, Madame Le Pen sera dans l’urne.
L’instant est solennel. Le ciel est bleu.
A l'ouest
L'école des besoins (samedi 20 février 2016)
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Episode 1
L'autre jour, je me baladais en mon être, en compagnie de petit besoin de douceur, main dans la main. Il était paisible, joyeux, comblé car j'avais pris soin de lui.
Il y a un truc magique avec les besoins. Dès que nous répondons à leur manque, ils se transforment en générosité. Ils ne sont plus « demande », ils sont « don ».
Donc, nous marchions tranquillement avec petit besoin de douceur comblé, devenu don de douceur. C'était magnifique, il me montrait combien mon existence était délicate et sucrée. Quand, tout à coup, nous fûmes bloqués par un gros besoin. Impossible de progresser davantage, il entravait le passage à cause de son importante corpulence.
Un élément à préciser est qu'un besoin non comblé, gonfle. Au plus il est refoulé, au plus il devient encombrant, jusqu'à empêcher la vie de circuler.
De petit besoin, il passe à gros, ensuite énorme, jusqu'à se transfigurer en monstre besoin. Et là, attention les dégâts.
Don de douceur et moi, nous nous assîmes auprès de gros besoin.
- Bonjour gros besoin, comment t'appelles-tu ?
- Je suis besoin de compréhension.
- Ca fait longtemps que tu es là ?
- Heuuu oui, tout de même, depuis que tu avances sans prendre le temps de réfléchir.
Voilà que petit besoin de pardon accourut à toute vitesse.
- Je me pardonne de ne pas avoir pris ce temps nécessaire.
Un exemple intéressant. Petit besoin de pardon, conscientisé et reconnu instantanément, s'est immédiatement transformé en don de tolérance. A l'inverse, à l'état de monstre, il se nomme culpabilité.
Eleonord
Suaveur (vendredi 20 novembre 2015)
A moitié calme, à moitié bruyant, le lieu n'est certainement pas désert mais pas de quoi être agoraphobe non plus. Des lueurs se dandinent le long des mèches de bougies.
Des ombres se peignent au mur. Elle se recoiffe.
Elle prend une gorgée de muscat. Ses lèvres brillent aux abords du verre.
Elle repose le breuvage.
A chaque fois c'est pareil, mon coeur palpite, et pas que mon coeur d'ailleurs.
Quelle émotion cette bouche. Je me vos tour à tour lutin dansant aux commissures, serpent lancinant sur sa peau charnue, Ben E. King chantant dans les drapés rouges.
Mais cela n'est que le hors d'oeuvre, ce n'est que le foie gras et la confiture de mangue, en attendant le met principal.
Bientôt le serveur soulèvera les cloches.
J'invente le plat du bout de l'imaginaire.
Je suis en haleine. J'aime la sienne.
Ca y est, c'est maintenant. Dès les premiers instants, tout un univers s'ouvre à moi. Sucré, salé, fruité, amer... Peu m'importe, je déguste tout ce qu'elle me dit. Tantôt j'entends des coulis de framboise, tantôt c'est un peu trop poivré mais elle détient cette féminité capable d'arrondir les saveurs déroutantes.
Soudain, elle s'arrête de parler.
Et là, le vide, je tombe, l'impatience de la prochaine phrase. Je suis pendu...
Quelques mots surviennent "Lorsque tu es à court de mots, c'est le goût de la vie que je perds... le temps d'une respiration".
A l'ouest
Secret de jardin (jeudi 12 novembre 2015)
Pourquoi m'as tu décapitée, pourquoi m'as tu privée de cette merveille que je concocte en silence, dans l'uni vert. Je suis atterrée de si peu de considération pour la création. Tu ne comprends donc pas ce que je souhaite, ce que nous désirons.Tu cherches à me couper l'herbe sous le pied certainement mais saches que cela ne se réalisera pas. Mes soeurs et moi ne sommes pas faites pour être toutes égales, conformes.
Nous passons tant de temps pour révéler notre singularité au monde. Crois-tu qu'il soit si simple d'émerveiller, de séduire en se nourrissant d'éléments primaires. C'est usant d'être terre à terre.
Notre communauté ne rêve que de s'envoler, de se libérer, rayonner tel un arc en ciel. Notre seule chance est notre inventivité. Ne vois-tu pas l'immense travail que j'accomplis à l'abri des regards.
Tu es telle la faucheuse, tu hais les miracles de la vie.
Tu ne perçois pas que ma sensible imperfection est admirée et reconnue, que tant de nez délicent la sueur de mon front...
Mais toi... toi... que cherches-tu?
Tu pollues, tu fais du bruit et tu me pourris l'existence. Tu pourris la vie à toutes mes semblables.
Tu serais probablement heureuse dans un monde sans couleur, muet de toute senteur si ce n'est celle de ton essence.
Pour ta défense, tu pourras toujours expliquer qu'il y a pire que toi, que le vrai diable est monsento, que j'ai de la chance de ne pas être née sur un terrain de golf.
Je te déteste!
Satanée tondeuse, tu reviendras dans une semaine mais nous n'abandonnerons pas. Nous existerons au-delà de toi! Ton moteur est vainc!
Eleonord
Vois (jeudi 5 novembre 2015)
Voici une petit texte écrit lors de l'atelier d'écriture avec Isabelle Vouin au bistrot chic et boheme (Montpellier)
Petite voix se débat, se tortille afin de trouver la sortie. Mais sortir d'où pour aller où.Perdue dans un monde de faïence, sans faille apparente. Tout résonne la pureté.
Elle n'entend qu'une brillance cristalline. Elle pourrait se réjouir de cette clarté et pourtant que de malaise. Elle aimerait tant se sauver mais où... tout est reflet... aveuglée par l'intensité.
Elle essaie de chanter mais se juge si sombre.
Et pourquoi pas une mélodie. Do re mi fa sol la si... Donner - recevoir m'immonde face aux lassitudes d'un univers trop net.
Elle ne supporte plus tant de lumière, ne perçoit plus la sienne. Alors elle crie du plus profond des tripes, des toutes petites tripes.
Rien n'y fait, elle ne peut grimper plus haut que ce chant limpide, de ce chant de cathédrale.
Petite voix tremble. Cette lumière d'une blancheur éternelle lui fend le coeur.
Coûte que coûte, elle tente encore de porter sa voie mais le chemin parait vain.
Rien n'y fait. Elle s'assoit, se demande ce qu'elle va devenir dans cette immensité sans issue, sans fissure. Elle attend tout et rien à la fois, transie de désespoir. Quand sera-ce mon tour, quand pourrai-je enfin exister, révéler ce tout petit quelque chose.
Mais elle est bien trop fatiguée pour cultiver l'impatience. Petite voix regarde dans le vide du trop plein.
La lumière faiblit... suis-je en train de m'endormir. Le chant aussi se tamiser.
Mais c'est qu'elle commence à voir autour d'elle...
Petite voix ne s'est pas assoupie... c'est la dame qui est appelée par le sommeil.
Elle vois de plus en plus clair au fur et à mesure que les paupières se ferment.
C'est maintenant, c'est l'instant. Elle coure, elle coure à en perdre haleine. Elle zigzague, elle slalome entre les synapses et autres matières plus ou moins grises...
Ca y est, elle y est, enfin. Essoufflée mais si contente.
Petite voix prend une grande bouffée d'air et chuchote à l'oreille "Marie, s'il te plaît, ne cherche pas tant de perfection sinon tu ne m'entendras jamais".
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Poète (mercredi 2 septembre 2015)
Le regard ne voit pas au-delà de l'horizon et pourtant, aux yeux du poète, il n'est que le commencement du monde.